Il est très difficile de prévoir l’avenir : aussi bien de la transhumance en Languedoc en général, que des races locales et de la caussenarde en particulier.

 

Les points positifs, d’abord, car il y en a tout de même !

 * Les gros problèmes sanitaires, brucellose et tremblante, appartiennent désormais au passé ;

 * La transhumance a retrouvé ses lettres de noblesse dans l’opinion : les travaux d’Anne Marie Brisebarre, dans les années soixante-dix, ont beaucoup fait pour réhabiliter l’image des bergers cévenols. Le Parc National des Cévennes, de culture plutôt forestière au départ, s’est finalement engagé à œuvrer pour le pastoralisme et le maintien des milieux (encore) ouverts. La fête de la transhumance de l’Espérou, les livres et projections de Michel Verdier, connaissent un très grand succès public …

 * Le débouché est là : les communautés d’origine maghrébine, notamment, très implantées en Languedoc, sont à la recherche de moutons d’origine rustique, alourdis sur parcours, et n’ont que faire d’une quelconque grille de conformation.

 *   Les mesures agri-environnementales, apparues au début 90 – bien après nos voisins européens – et relayées par les CTE, avaient suscité un espoir réel, et surtout le début d’un sentiment de reconnaissance. Le rôle du troupeau de parcours dans le maintien des milieux ouverts, donc de la biodiversité, était enfin valorisé ; le maintien des races à petits effectifs se voyait pour la première fois encouragé : timidement, certes, mais c’était une petite révolution ! Après une décennie d’interruption et d’hésitations, la Région Languedoc Roussillon entérine pour 2010 le retour de la prime aux races menacées, à hauteur de 7 € par brebis mère, ce qui représente un appoint réel dans les troupeaux les plus importants

 

En revanche, les sujets de doute restent nombreux et variés :

 * Quelle relève pour les bergers transhumants, dont toute une génération arrive à l’âge de la retraite ? Ces derniers, dont plusieurs ont connu les terribles nuits de fumature, ont vu leurs conditions d’existence s’améliorer fortement : grâce notamment aux véhicules, aux cabanes construites par le Parc ou au téléphone mobile, ils sont beaucoup moins isolés que par le passé. Mais, pour les jeunes générations, ce mode de vie est encore terriblement décalé … Et les estives cévenoles, tout aussi fatigantes que celles des Alpes ou des Pyrénées, mais plus ingrates aussi, n’attirent guère les néo-ruraux.

 * Quelles perspectives sur les lieux d’hivernage ? Lorsque aucun de vos cinquante ou cent propriétaires ne veut signer un bail, ou accepter le moindre parc clôturé ; que la commune désireuse d’installer un berger ne réussit à lui trouver ni terrain viabilisé, ni eau, ni électricité ; que les parcelles de garrigue en face de la bergerie se vendent en terrain constructible à des prix surréalistes ; que les champs que vous pâturiez tout l’automne sont maintenant labourés par une entreprise sitôt la moisson ; que la minuscule ruine où vous enfermiez gratuitement vos quatre béliers se trouve vendue à un belge … les plus déterminés finissent par se poser des questions ! Signe des temps, le troupeau de Cambous, toujours bien présent et fort de cinq cent caussenardes, a lui-même dû déménager ; mais de quelques centaines de mètres heureusement...

 

Le marché musulman, avec les points forts que constituent le ramadan et l’Ayd el Kébyr, est très attractif ; mais, contrairement par exemple à l’Allemagne, la France répugne à encadrer et légaliser tout abattage en ferme. Du coup, après une ou deux décennies de laxisme, une répression commence à s’instituer, qui décourage éleveurs et clients. Une attitude d’autant moins compréhensible que le manque criant d’abattoirs de proximité ne permet aucune alternative réelle. L’adoption d’une politique de sites dérogatoires semble enfin voir le jour, et des premières réalisations apparaissent dans la Provence voisine. Mais elle se limite au jour de l’Ayd, et risque d’intervenir bien tardivement.

 * Il ne manque plus que le loup ; mais c’est pour bientôt. Son retour « naturel » dans le Massif Central semble minutieusement préparé. Il y a dix ans, une autorisation de destruction était rapidement obtenue sur le Larzac, grâce à la mobilisation des éleveurs bien sûr ; mais le Ministère de l’Environnement semblait alors vouloir se limiter à accompagner son implantation sur les massifs alpin et pyrénéen. Les dernières campagnes de presse vont à présent dans le sens d’une reconquête cévenole … Et toujours aucun « écologiste » pour admettre que la déprise pastorale qui s’ensuivra, entraînant la fermeture définitive des milieux, signifie une énorme perte de biodiversité. Les véritables experts, eux, ne s’y trompent pas. Symbole fort, l’Unesco vient d’ajourner le classement des Causses et Cévennes au titre du patrimoine mondial de l’humanité. Entre autres critiques sur le dossier : le rôle du pastoralisme, mis en avant par les politiques, est insuffisant, et la couverture forestière déjà trop dense …